"Jean-Claude Decaux a la réputation d'être inaccessible et de ne jamais s'adresser à la presse et encore moins aux caméras". Jérôme Messaoud Fenez à réussi a déjouer la vigilance de ses conseillers en communication pour réaliser cet interview lors de l'inauguration de Vélib'.
JC Decaux : "c'est pas un gadget le vélo. Moi, l'idée m'est venue (celle des vélos en libre service) parce que je fais énormément de bicyclette (comprendre le samedi dans la forêt de Rambouillet) pour mon plaisir personnel."
Comme une bonne idée n'arrive jamais seule, voici quelques références historiques qui permettront de rendre hommage aux véritables initiateurs du système de vélos en libre service :
A partir des années 60, Amsterdam va être au centre d'une révolution ou évolution culturelle qui va s'étendre sur presque 20 ans.
Les Provos, groupe d'anarchistes, mettent en pratique de nouvelles formes d'agitations. Ils proposent rapidement des solutions pratiques à des problèmes concrets en multipliant les initiatives.
A partir de l'été 1965, ils se réunissent sur la place du Spui pour lancer une action. Pour protester contre la pollution et les automobiles, ils mettent en circulation de nombreux vélos peints en blancs mis gracieusement à la disposition de tous, libres de toute taxe, à travers la cité. Mais ils seront confisqués par la police et le vol et le vandalisme anéantiront en quelques mois l'initiative. Malgré tout, cette action ludique mit les pouvoirs publics dans l'embarras et joua un rôle catalyseur pour qu'une meilleure place soit faite à la bicyclette dans l'avenir.
Depuis quelques années déja, Amsterdam a ressuscité ce concept mettant à la disposition du public des vélos blancs pour circuler en ville, mais cette fois-ci garantis contre le vol grace au système de stations. On retrouve désormais ce système dans de nombreuses villes à travers le monde. Des vélos blancs des Provos à Vélib' de JC Decaux, voici une démonstration frappante de la récupération de la contre-culture et de son intégration dans le consumérisme et la culture de masse. A fond la pub...
JC Decaux: "Je vais vous dire une seule chose. Le vélo, ce qu'il y a de génial, c'est que la voiture, le tramway, le taxi, la moto, le scooter, vous passez à la pompe prendre de l'énergie. Là, vous emmenez votre propre énergie et vous vous faites du bien. Trouvez-moi un modéle comme ça, ça n'existe pas. C'est un modéle ou le client apporte sa propre énergie, personne n'a pensé à ça."
Personne n'a pensé à ça...
Pour Ivan Illich, philosophe autrichien, passé un certain seuil de développement économique, les outils deviennent "contre-productifs". L'automobile et la vitesse structurent la société, elles sont donc partie prenante d'une véritable doctrine politique industrielle. Il écrira dans son célèbre ouvrage La Convivialité : "La solution de la crise exige une radicale volte-face: ce n'est qu'en renversant la structure profonde qui règle le rapport de l'homme à l'outil que nous pourrons nous donner des outils justes. L'outil juste répond à trois exigences: il est générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d'action personnel. L'homme a besoin d'un outil avec lequel travailler, non d'un outillage qui travaille à sa place. Il a besoin d'une technologie qui tire le meilleur parti de l'énergie et de l'imagination personnelle, non d'une technologie qui l'asservisse et le programme." C'est cette réflexion qui l'amena à écrire cette phrase, véritable défi à la pensée dominante: "Entre des hommes libres, des rapports sociaux productifs vont à l'allure d'une bicyclette, et pas plus vite.». (source)
2 commentaires:
Un article fort intéressant qui nous montre comment un facteur de liberté comme le vélo devient un facteur d'oppression avec Vélib.
Merci pour le petit rappel historique. En France, c'est Michel Crépeau, maire de La Rochelle en 1970 qui mis en place le 1er système de stations-vélos. Fut-il à l'époque inspiré par l'initiative des provos, c'est fort possible. Sus à l'imposteur Decaux !
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