jeudi 13 mai 2010
mardi 24 mars 2009
Courses urbaines à venir
Alors en avant les hérétiques, viens faire ton Paris-Roubaix.
Départ le samedi 11 avril à 17 heures devant le 81 avenue Pasteur à Angers.
Pense à venir avec ton vélo, de quoi réparer les crevaisons, tes ami-e-s, ton envie de
Laisse chez toi : les chipotis, ton individualisme et la peur de te confronter à l'histoire.
Amène ton cerveau, un crayon, un antivol, ta bicyclette.
Apporte un goûter et une boisson à partager.
Prends tes responsabilités.
Rendez-vous le 26 avril 2009, place du Pilori à 15 heures.
mardi 10 mars 2009
Le velo comme outil d'émancipation
mardi 10 février 2009
Techno-colon en libre service
Techno-colon en libre service
dimanche 21 décembre 2008
Pétrole, le moment d'acheter ?
Personne n’aura raté la chute brutale des cours mondiaux du carburant. Beaucoup s’en seront réjoui et continuent d'apprécier de voir les prix baisser à la pompe - qui apprécie d'enrichir des humanistes notoires comme Totalfinaelf ? - même si d'une manière non proportionnelle.
Le yoyo est-il aujourd'hui en bout de course ? La crise énergétique n’était-elle finalement pas un canular monté de toute pièce et relayé par des sites et des blogs aussi catastrophistes que Velo2Ville ?
Un nombre d'individus plus réduit aura largement profité de ces mouvements rapides, d’abord causés par la spéculation. Il est plus que probable que d’autres épisodes de ce type sont à prévoir. D'ailleurs, le mouvement est déjà reparti à la hausse.
Ne s’agit-il pas là encore d’une occasion en or pour tous les exclus présents ou futur, pour tous ceux qui craignent pour leur retraite ? En achetant alors que les cours sont au plus bas une matière première vis-à-vis de laquelle l’économie mondiale est encore loin d’être sevrée, ces individus avisés ne s’assureraient-ils pas des lendemains qui chantent ? N'aurions-nous pas tous intérêt à nous convertir, ne serait-ce qu'à raison des quelques euros d'épargne dont nous disposons, à un capitalisme fort respectueux de notre futur intérêt bien compris, celui qui voudrait que nous cherchions à nous construire nos propres pilotis pour ne pas être submergés sous le tas de fumier auquel 2009 menace de ressembler ?
Peut-être n’y a-t-il pas lieu de pousser la réflexion aussi loin dans le registre métaphysique?Peut-être convient-il, plutôt que de se soucier de faire fructifier son kapital, de réaliser que l’enjeu véritable est ailleurs. Car que se passe-t-il lorsque les bases d’un système vacillent ?
Sauf à croire qu’ils participent d’une intoxication d’une ampleur inédite à l’échelle de l’humanité, les éléments d'analyse dont nous disposons nous invitent plutôt à envisager une modification radicale du monde connu. Il est vrai, rien ne permet pour l'heure d'exclure que les capitalistes dominant y perdront leur place.
A voir...
Certains pensent que l’état d’esprit que nous adopterons pour envisager cette grande transition conditionnera pour une grande part l’organisation sociale qui pourra s’y maintenir : A quoi peut-il bien servir d'avoir une cabine de luxe lorsque le bateau coule ? Si celle-ci donne droit à un des strapontins contingentés sur le canot de sauvetage, chercher à l'obtenir n'implique-t-il pas, une fois le naufrage consommé, que l'heureux bénéficiaire veuille empêcher vaille que vaille les moins chanceux de grimper à bord ?
Des fictions anticipatrices comme Mad Max et Gunnm, pour ceux qui connaissent, ne nous offrent-elles précisément pas une version capitaliste de ce que pourrait être le chapitre de l'histoire de l'humanité sur le point de s'ouvrir ? Au fond, Georges Monbiot, dans l’article suivant, dont nous vous proposons une libre traduction, ne suggère pas autre chose.
Pour la première fois, l’Agence Internationale de l’Energie avance une date pour le pic de production de pétrole.
Et ce n’est pas rassurant.
Georges Monbiot, The Guardian, 15 décembre 2008
Pouvez-vous imaginer une menace majeure à laquelle le gouvernement britannique ne se préparerait pas ? Il emploie une armée de fonctionnaires, d’espions et de consultant pour évaluer les chances d’attaque terroriste, d’écroulement financier, d’inondation, d’épidémie, et même de chute de météorite, et pour envisager la meilleure réponse déployer si cela venait vraiment à se produire. Mais il est un risque par rapport auquel il paraît plutôt décontracté. Il n’a jamais mené sa propre évaluation de l’état des ressources globales en pétrole ni de la possibilité qu’elles puissent un jour culminer avant d’entrer en déclin.
Lorsque vous lui posez la question, il produit systématiquement la même réponse : « les ressources globales en pétrole sont adéquate pour le futur prévisible.[1] » Il tire cette connaissance, comme il l’indique, des évaluations produites par l’AIE dans ses rapports intitulés « World Energy Outlook ». Dans son rapport de 2007, l’AIE semblait conforter la position du gouvernement. « Les ressources mondiales en pétrole, » indique-t-il, « sont jugées suffisantes pour satisfaire la croissance prévue de la demande à l’horizon 2030[2] » ; il ne se prononce cependant en aucune manière sur la situation au-delà de cette date et ne dit pas si ces ressources seront toujours suffisantes après 2030. En ce qui concerne le gouvernement, là s’arrête la pertinence de la réflexion. Comme la plupart des gouvernement des pays riches, le Royaume-Uni assimile les projections de l’AIE à la parole divine. Plus tôt cette année, j’ai soumis une requête au ministère britannique du commerce dans le cadre de la Liberté de l’information afin de savoir de quel plan d’urgence disposerait le gouvernement pour faire face à l’éventualité d’un pic de production en 2020. Je reçus la réponse suivante : « Le Gouvernement ne juge pas nécessaire d’établir de plan d’urgence spécifique pour l’éventualité d’un pic de l’approvisionnement en pétrole brut survenant entre maintenant et 2020[3]. »
Il conviendrait donc sacrément que l’AIE aie dit vrai. Dans le rapport sur le même sujet commandité par le ministère de l’énergie américain, l’analyste spécialisé Robert L. Hirsch concluait que « sans une adaptation rapide, les coûts économiques, sociaux et politiques » du pic de production de pétrole « seront sans précédent[4]. » Il continue en expliquant ce qu’il entend par « adaptation rapide ». Même une réponse d’urgence apportée mondialement « 10 ans avant le pic mondial » s’ensuivrait, écrit-il, « d’une pénurie des combustibles liquides à peine une décennie après le pic[5]. » Pour éviter l’effondrement économique mondial, c’est « une réponse organisée à la catastrophe 20 ans avant le pic[6] » qui s’impose. Si Hirsch a raison et que la production de pétrole culmine bien en 2028, alors nous sommes profondément dans la mélasse.
Je vous engage donc à graver ceci dans votre esprit : entre 2007 et 2008, l’AIE a radicalement modifié sa position. Jusqu’à l’édition 2008 de son rapport, l’agence se gaussait des individus qui prétendaient que les ressources en pétrole pourraient culminer avant de décroître. Dans son avant-propos à un livre publié en 2005, son Directeur exécutif, Claude Mandil, balayait les inquiétudes de ces derniers en les qualifiant d’oiseaux de mauvais augure. « L’AIE maintient depuis longtemps que rien de tout cela ne doit nous préoccuper » écrit-il. « Les ressources mondiales en hydrocarbures sont abondantes et fourniront facilement le monde en carburant tout au long de sa transition vers un futur assis sur des énergies renouvelables.[7] » Dans l’édition 2007 du World Energy Outlook, l’AIE avançait un taux annuel de déclin de l’extraction à partir des champs pétrolifères existants de 3,7 %[8]. Le rapport présentait ce chiffre comme un challenge à court terme, avec la possibilité d’une rupture temporaire de l’approvisionnement autour de 2015, mais indiquait qu’un investissement suffisant permettrait de palier toute pénurie. Le nouveau rapport, publié le mois dernier, est porteur d’un message très différent puisqu’il avance un taux de 6,7 %, ce qui signifie que le fossé à combler est bien plus large[9].
De manière plus significative, l’AIE suggère pour la première fois dans son rapport de 2008 que les ressources pétrolières mondiales pourraient trouver leurs limites. « Bien que le point culminant de la production totale de pétrole ne soit pas attendu avant 2030, il est prévu que la production de pétrole conventionnel… plafonne dans période antérieure à cette date[10]. » Cet euphémisme révèle une évolution majeure. Jamais auparavant une des prévisions de l’AIE n’avait envisagé explicitement le plafonnement la de production mondiale de pétrole conventionnel (précisément ce que nous voulons dire lorsque nous évoquons le pic pétrolier).
Mais le rapport n’apporte pas davantage de précision. Cela signifie-t-il ou non qu’il nous reste suffisamment de temps pour nous préparer à cette échéance ? Qu’entend le rapport par « dans la période antérieure à cette date » ? l’agence n’a jamais produit de prévision plus précise – jusqu’à maintenant. Pour la première fois, l’Agence, à l’occasion de l’interview que m’a accordé Fatih Birol, son chef économiste, a avancé une date. Et elle devrait glacer les sangs de toute personne comprenant ses implications.
Fatih Birol, le coordinateur du dernier rapport, est un homme de petite taille, intelligent et calme aux cheveux épais et gris et aux sourcils broussailleux. Il m’a expliqué que les nouvelles projections de l’agence s’appuyaient sur une étude majeure des taux de déclin des 800 plus grands champs pétroliers, qu’il a lui-même dirigée. Sur quoi alors se fondaient les précédents chiffres ? « Il s’agissait essentiellement d’une présomption, d’une présomption globale quant aux champs pétrolifères mondiaux. Cette année, nous avons analysé la situation pays par pays, champ par champ, tant sur terre qu’offshore. Nous avons mené un travail très détaillé. L’année dernière il s’agissait d’une supposition, et cette année il s’agit des conclusions de notre étude. » Je lui ai dit qu’il me semblait extraordinaire que l’AIE n’aie pas mené pareil travail plus tôt et ait appuyé ses prédiction sur un travail de divination informée. « En fait personne n’avait mené pareille recherche, » m’a-t-il dit. « Il s’agit là des premières données publiques disponibles[11]. »
N’était-il pas irresponsable d’avancer un taux de déclin de 3,7 % en 2007, alors qu’aucun élément solide ne permettait de l’affirmer ? « Non, nos précédentes prévisions en la matière ont toujours précisé qu’il ne s’agissait que de présomptions fondées sur les meilleures données scientifiques disponibles – et nous avons de la même manière toujours précisé que ces chiffres [pourraient se révéler] supérieurs à nos suppositions. »
Je lui ai alors posé une question à laquelle je n’attendais pas de réponse directe : pouvait-il me donner une date précise à laquelle selon lui l’approvisionnement pourrait cesser de croître ?
« S’agissant des pays non OPEP », me répondit-il, « nous estimons que, d’ici trois à quatre années d’ici, la production de pétrole conventionnel arrivera à un palier, et commencera à décliner. … Pour ce qui est du tableau d’ensemble, pour peu que l’OPEP investisse rapidement, la croissance de la production globale de pétrole conventionnel peut toujours se poursuivre, mais nous nous attendons néanmoins à un plafonnement autour de 2020, ce qui n’est bien évidemment pas une bonne nouvelle s’agissant de l’approvisionnement en pétrole. »
Autour de 2020. Ceci projette une lumière assez différente sur le sujet. La date de Monsieur Birol, si elle se révèle correcte, nous laisse environ 11 ans pour nous préparer. Si le rapport Hirsch est fondé, nous avons déjà raté le bateau. Birol dit qu’il nous faut une « révolution énergétique globale » pour éviter un crack pétrolier qui comprendrait (d’une manière désastreuse pour l’environnement) un mouvement massif vers l’exploitation des pétroles non conventionnelles, comme les sables bitumineux du Canada. Mais rien n’est encore intervenu à pareille échelle, et Hirsch suggère que même s’ils étaient décidés aujourd'hui, les investissement nécessaires et les modifications d’infrastructures ne pourraient pas être réalisés à temps. Fatih m’a confié « je pense que le temps n’est pas de notre côté sur ce coup-ci ».
Quand je l’interrogeais sur l’évolution de la position de l’Agence, il m’a rétorqué qu’elle n’avait jamais vraiment dit quoi que ce soit de différent. « Nous avons dit par le passé qu’un jour viendrait où nous serions à cours de pétrole. Nous n’avons jamais prétendu que nous disposions de centaines d’années de pétrole… mais ce que nous avons dit c’est que cette année, par rapport aux années précédentes, nous avons constaté que les taux de déclin sont significativement plus élevés que ce que nous avions relevé précédemment. Mais notre position consistant à présenter notre voie énergétique comme non soutenable n’a pas changé. »
Il s’agit bien sûr d’une absurdité destinée à sauver la face de l’Agence. Il y a une grande différence entre un taux de déclin de 3,7 % et un taux de 6,7 %. La différence est même encore plus grande entre le fait de suggérer que le monde est engagé dans une voie énergétique insoutenable – un énoncé auquel presque tout le monde peut souscrire – et le fait de révéler que les ressources en pétrole conventionnel sont susceptibles de plafonner en 2020. Si c’est là ce que suggérait l’AIE par le passé, ce n’était pas très clair.
Que faisons-nous maintenant ? Nous pouvons nous enfuir, ou nous pouvons espérer et croire qu’Hirsch se trompe lorsqu’il avance que 20 ans de préparation sont nécessaires, et mettre en œuvre un programme global de crise d’amélioration de l’efficience énergétique et d’électrification. Dans tous les cas le gouvernement britannique aurait mieux fait de commencer à établir des plans d’urgence.
[1] Eg DECC Press Office, 28th October 2008. Statement emailed to Duncan Clark at the Guardian.
[2]International Energy Agency, 2007. World Energy Outlook 2007, page 43. IEA, Paris.
[3]BERR, 8th April 2008. Response to FoI request, Ref 08/0091.
[4]Robert L. Hirsch, Roger Bezdek and Robert Wendling, February 2005. Peaking of World Oil Production: Impacts, Mitigation, & Risk Management. US Department of Energy, page 4. http://www.netl.doe.gov/publications/others/pdf/Oil_Peaking_NETL.pdf
[5] ibid, page 59.
[6]ibid, page 65.
[8]International Energy Agency, 2008. World Energy Outlook 2008, page 43. IEA, Paris.
[9]International Energy Agency, 2008. World Energy Outlook 2008, page 43. IEA, Paris.
lundi 15 décembre 2008
Interconnexion des problématiques : pédaler ne suffit pas (suite)
Et maintenant ?
Ceux d'entre vous qui ont vu le dernier film des frères Coen comprendront peut-être ce que je veux dire lorsque j'évoque les limites indépassables de la notion de "pensée positive", qui apparaissent crûment une fois que celle-ci ne dispose plus d'aucune assise concrète.
Vous savez, cette pensée positive, chantée et reprise par un de nos anciens premiers ministres les plus drôles (the yes needs the no to win... et autres rafarinées plutôt fines),
Cette pensée positive dont le défaut était censé expliquer tous les tracas des plus désenchantés de nos nouvelles générations perdues,
Cette pensée positive qui constituait l'ultime ligne de démarcation entre les aspirants légitimes au bonheur corporate et les autres, indécrottablement arc-boutés sur des postures archaïques de résistance idéologique,
Cette pensée positive qui, si on l'écoutait, nous commanderait de nous ruer sur les belles voatures toutes neuves à prix cassé, histoire d'être des bons petits patriotes du capitalisme industriel, pendant que les projets de petites exploitations agricoles sont tenus en échec par les SAFER,
?
Eh bien, pour ce qui est des mirobolantes promesses d'une technologie ne requérant que notre foi pour nous assurer un avenir meilleur mais toujours fait de consommation à outrance,
Pour ce qui est du maintien d'une société juste et égale à la seule condition de se plier sans rechigner aux exigences si réalistes du Grand Kapital,
Pour ce qui est de maintenir le niveau de vie des petites mains méritantes, qui se lèvent le matin pour aller mettre les pieds dans la fange graisseuse des lignes de montage,
C'est terminé.
Oui, oui.
C'est pas oui-oui qui le dit, ni bibi,
Non,
C'est Carlos Ghosn,
Grand Humoriste devant l'éternel.
Ceci pour ceux qui croiraient encore que le grippage généralisé d'un système peut laisser la moindre de ses composantes à l'abri.
Question: Combien croyez-vous qu'il y ait de cyclistes à Détroit ?
Réponse : on s'en fout, ils vivent tous dans une ville fantôme.
Notre société a été délibérément construite autour de l'automobile. Lorsque celle-ci ne peut plus tenir sa place, qu'est-ce qu'il reste ?
Il serait de peu d'utilité de continuer la liste des éléments problématiques qui émergent simultanément dans notre si beau système. Vous les connaissez probablement.
Peut-être les tenants les plus impliqués de ce truc en déshérence chercheront-ils encore à nous vendre la solution "tout-techno", avec moult voitures électriques.
Pour autant, vous n'oublierez probablement pas que :
Je ne dis pas qu'il convient de remettre frontalement en question la mobilité individuelle : la SNCF, avec des tarifs défiant plus l'entendement qu'une concurrence que personne ne souhaite, s'en charge (Il ne vous aura bien entendu pas échappé que ses tarifs favorisent ceux qui, dans un contexte où la flexibilité de la force de travail est le critère ultime de sa valeur, peuvent réserver leurs billets plus d'un mois à l'avance).
Non, je dis juste que tout (y compris la politique tarifaire grandes lignes de la SNCF) est à revoir.
Tout,
Vite,
Ensemble,
Dans la restauration des principes directeurs les plus essentiels.
Sinon ?
Homo homine lupus
Sinon ?
Eh bien cette maxime, ce postulat idéologique indissociable de l'ultra-libéralisme, deviendra réalité concrète.
Bien trop concrète.
Encore plus qu'il ne l'est déjà.
En un énoncé par trop performatif, certains des écologistes les plus libéraux esquissent ce que ça pourrait bien vouloir dire.
...
Du haut de nos vélos,
On les laisse faire ?
dimanche 30 novembre 2008
2012, Angers Ville Cyclable extermine la pauvreté
Oulah ! Rien qu’à voir le titre, on sent le film d’auteur.
Anticipation ou pas, je sais pas si j’irai le voir.
Arf !
Bon, trêve de plaisanterie, essayons de nous comprendre.
Où placer les limites de la ville ?
Il n’est pas question ici de contours administratifs. Non. c’est plutôt votre subjectivité que ce billet entend interpeller.
Habitant sur les franges de notre douce cité andégave, l'un de vos serviteurs, lorsqu’il met en mots son intention d’enfourcher son vélo pour rejoindre l’un de ses lieux de sociabilité préférés, dit qu’il « va en ville ». Il y a là clairement un abus de langage, car Angers, à proprement parler, il y vit. Bon, dans son quartier, c'est vrai, il peut, les bons jours, acheter du pain, des clous de cercueil, quelques bières ou une douzaine d’œufs. Il pourrait également se rendre à l’église ou au troquet faire un loto si cela l’intéressait. Vous conviendrez qu’on fait plus riche comme vie sociale.
Ainsi, même s’il ne peut se rendre là où il se trouve déjà, l’emploi de l’expression « aller en ville » présente au moins l’insigne intérêt de rendre compte d’une réalité. Pour exister socialement, il se rend dans le centre-ville, où il peut interagir avec ses pairs, mais également constater que le monde continue de tourner, même s’il lui arrive d'avoir l'impression que c’est sans lui ni ses semblables.
Dans le centre, chacun peut constater que l’existence d’autres catégories d’individus est bien réelle. Bref, le centre-ville, qui se trouve justement au « centre » s’est pour lui substitué à la ville proprement dite dans le rôle historique de lieu de liberté. Parce que les services municipaux et commerciaux nécessaires à la vie dans sa forme actuelle y sont concentrés, mais aussi parce qu’il s’y sent plus à l’aise que dans une galerie commerciale offrant (presque) les mêmes services à ceux qui acceptent d’évoluer dans un cadre approprié et contrôlé par des intérêts privés et mercantiles. Parce qu’il peut y faire ses achats, mais aussi parce qu’il peut ne rien y acheter. Parce qu’il peut simplement y exister, échanger, transcender son altérité.
Ne pouvant s’offrir le luxe d’y vivre dans des conditions qu’il juge acceptable, il peut néanmoins, avec sa bicyclette, s’y rendre à l’occasion. Cela lui coûte d’autant moins que le trajet est le plus souvent agréable. Dans le pire des cas, il prend le bus. Cette dernière solution est cependant tout simplement exclue lorsque, dans un jour particulièrement faste, intéressé par un concert moins underground que ceux organisés par l’étincelle, il doit se rendre au Chabada – c’est vrai, c’est plutôt rare. Et cher. Il lui faudrait en effet alors accepter de faire le trajet du retour à pied. Et là il s’agit d’un autre genre d’expédition. Alors, précisément, il ne lui vient même pas à l’esprit de dire qu’il « va en ville »…
…d’où le titre de ce billet un peu long.
L’au-delà du centre de gravité de la ville, ses marges – auxquelles le quartier du Chabada appartient, constitue une destination uniquement pour ceux qui ont quelque chose à y faire. L’utilité de cet au-delà n’est donc au mieux , pour la majorité de la population, que théorique et ponctuelle. Elle est dans tous les cas relative. Ce qui s’y passe est bien réel, mais n’est pas sensible pour tous.
C’est précisément à cet endroit, juste à côté du haut lieu culturel qu’est le Chabada, que notre municipalité se propose de regrouper, au sein d’une future « cité des solidarités », l’ensemble des associations caritatives à action locale, comme les restaurants du cœur, pour l’instant situés en plein centre-ville, non loin de l’étincelle. Ainsi, Angers centre, lieu où il fait bon vivre pour peu qu’on en ait les moyens, aura exterminé la pauvreté.
Oui, tu as bien lu,
EXTERMINÉ.
(Du latin ex – au-delà – et terminus – frontière).
Angers aura mis la pauvreté, dans ce qu’elle a de visible, au-delà de ses frontières. Dans le même ordre d'idée, l'auteur ne peut qu'engager le lecteur intéressé à jeter un oeil sur le désormais arrière-gardiste Exterminez toutes ces brutes de Sven Lindqvist.
Les nécessiteux d'ores et déjà remis aux bons soins de la charité publique (dont tout laisse à penser qu'ils seront de moins en moins nombreux dans les années à venir, c'est bien connu) n’auront, en tant que tels, plus aucune raison valable, sauf à faire les boutiques, aller au restaurant ou au cinéma, de dégrader le paysage du cœur de ville angevin ni donc d'empiéter sur la qualité de vie de ceux qui ont quelque chose d’important à y faire. (Je t'engage sur ce point à t'arrêter deux minutes pour lire Le Mur, journal mural du SLIP, la prochaine fois que tu traineras tes guêtres dans le quartier Saint-Serge, peut-être apprendras-tu deux trois trucs intéressant sur le "management urbain" que l'on s'applique à déployer dans le centre d'Angers).
Nous assisterons ainsi à la mise en œuvre d’une politique volontariste : l’extermination, la mise hors champ de la pauvreté comme alternative fonctionnelle à la résorption d’inégalités qui se creusent plutôt chaque jour davantage (situation à laquelle, reconnaissons-le, l’équipe municipale ne pourrait mais, même si elle le souhaitait).
Gageons que ce refus de transiger avec la bonne conscience des populations solvables – et donc économiquement utiles – se traduira par un renforcement de la cohésion sociale, des valeurs d'entraide et de solidarité si nécessaires à une vie collective harmonieuse et épanouissante. Le contraire serait proprement inimaginable.
C’est de toutes façons une autre histoire.
Bref, vous l’aurez compris, le titre de ce billet n’a rien à voir avec le fait que ce site ait naguère été celui des abattoirs. Ni avec une quelconque ressemblance des locaux en question, à un ou deux miradors près, avec un centre de transit vers d'improbables camps de regroupement, ressemblance que soi-disant renforcerait la proximité de la voie ferrée.
Non, rien à voir.
...
Au moins les pauvres de la ville pourront-ils aller chercher leurs colis alimentaires à vélo. Peut-être même avec l’un de ceux mis gracieusement à disposition par la ville. Ceux qui ne résident pas à Monplaisir y trouveront l’occasion d’une activité physique accrue qui compensera l'effet néfaste pour leur santé des produits industriels dont ils rempliront chichement leurs sacs.
Ils trouveront d’ailleurs sur le présent blog comment construire à moindre frais une remorque fort utile lors de tels trajets utilitaires.
PS : oui, c’est vrai, la banque alimentaire et le secours populaire, institutions cataplasmes apposées sur la jambe de bois des inégalités structurellement générées par notre belle ultralibéralie, sont déjà implantés hors du champ de vision du citoyen-travailleur lambda. Il n’empêche, un tel regroupement ne va à l'encontre d'aucune des dérives les plus glaçantes de notre société que chacun, s’il s’en donne la peine, peut observer quotidiennement.
Mais au fait, n'est-ce pas en notre nom que les décisions, chaque jour, sont prises et mises en oeuvre ?
crédits photos : Un vélorutionnaire angevin de grande taille pour la première et le magazine Vivre à Angers d'Angers Loire Métropole pour la vue d'ensemble.
mardi 18 novembre 2008
Et en plus, on roule à vélo
Nous aussi, nous avons manifesté dans notre vie,
Nous avons même manifesté contre la guerre et pour la paix dans le monde,
Certains d’entre nous ont même manifesté à l’étranger, et certains aux Etats-Unis,
Nous aussi, nous habitons ou pourrions aimer habiter un village de 300 habitants,
Nous avons même imaginé vivre et habiter à la campagne et devenir épiciers,
Certains d’entre nous aimeraient reprendre une vieille ferme et planter des carottes,
Nous aussi avons des ordinateurs portables et des connexions Internets,
Nous avons même créé des blogs politiques et associatifs,
Certains d’entre nous connaissent même des sites libertaires ou anarchistes,
Nous aussi, nous possédons une carte des chemins de fer et destinations de la SNCF,
Nous avons, pour les plus jeunes, une carte 12-25 ans pour voyager moins cher,
Certains d’entre nous ont même été importunés par les voies ferrés dans leur promenade du dimanche,
Nous aussi, nous avons des livres à la maison,
Nous avons même des livres politiques qui expliquent comment renverser le système capitaliste,
Certains d’entre nous ont même écrit des livres subversifs expliquant comment organiser une action militante
Nous aussi, nous aimons la nature,
Nous avons même toutes et tous pensé faire de l’escalade pour profiter des paysages de montagne,
Certains d’entre nous ont même, dangereux qu’ils sont, des mousquetons et un casque d’escalade,
Nous aussi, nous sommes allés à l’école,
Nous avons même essayé de faire des études, voire beaucoup d’études,
Certains d’entre nous ont même obtenus leur diplôme BAC+5.
Si c'est ça être terroriste, alors nous sommes toutes et tous des terroristes de l’ultra-gauche : Arrêtez-nous !
Les aspirants suspects peuvent se signaler au ministère de l'intérieur en signant la pétition de soutien aux détenus : adressez un mail avec nom, prénom et adresse à lafabrique@lafabrique.frvendredi 17 octobre 2008
Fabriquer soi-même une remorque vélo monoroue
En premier, la fixation de la remorque sur l'arrière du vélo doit être articulée afin que l'ensemble épouse le relief du terrain.
Pour ceci, je perce un trou à chaque extrémité d'un profilé alu (2mm ep.) puis je le fixe solidement au cadre.
Deuxième mécanisme indispensable d'une monoroue : un axe de direction pour que la remorque pivote et suive la trajectoire du vélo.
Sans soudure, le point le plus délicat du projet va consister à relier les bras d'attaches à la fourche qui servira d'axe.
Voici le système appliqué : deux plaques d'acier sont fixées sur la fourche (précisemment sur les deux départs de tubes conservés lors de la découpe du cadre), elles-mêmes traversées par deux tiges filetées, le tout boulonné à chaque extrémité.Sur la partie basse de la fourche, je fixe une équerre pour relier la planche.
Un coup de peinture pour la finition et place aux premiers tests.
Dabord à vide puis avec des charges plus ou moins importantes. Ca semble convaincant. La tenue de route est plus que correcte, quelques grincements sont à noter lorsque la chaussée est déformée.
Avec le recul necessaire, des améliorations/transformations seront probablement apportées.
La remorque d'Amgoun pour l'idée d'une planche de bois comme structure de base - forum du Vélorizontal.
Voici une liste d'autoconstructions non-moins instructives :
Les remorques monoroue :
La remorque Rafale, châssis en aluminium et remorque en bois.
La remorque de Tof74 en aluminium - Voyage forum.
La remorque de Fred en aluminium - Ze Fred's blog.
La remorque de Yann en aluminium - Véleau.
La remorque Monotractée d'Alain et Jean, en bois et aluminium.
La remorque Camping-Bike de Julteam, chassis aluminium et remorque bois - forum vélo artisanal.
La remorque porte-bagage de Pierre (soudure) - forum vélo artisanal.
Le vélo remorque pour enfants (soudure) - Cyclurba.
Les remorques deux-roues :
La remorque en bois de Marc - forum décroissance.
La remorque alu de Pataber - forum décroissance.
Les plans de la cariole du Canard Laqué.
La remorque de Rafi, version 1 et version 2. (soudure).
Une remorque plateau à partir d'une simple palette de bois (Ang).
La remorque en bambou de Majuscool pour Florette le chien - Voyage forum.
La remorque en acier de Syluella (soudure) - Voyage forum.
Et une multitude d'autres expériences partagées.
[EDIT - vendredi 24 octobre 2008]
Comme tout prototype maison, celui-ci a demandé une légère amélioration quant à sa robustesse. J'ai profité de la présence de deux trous filetés sur les haubans (visibles 5 photos au-dessus) pour fixer un profilé alu aprés avoir préalablement scier une petite fente dans l'axe.
Je m'assure ainsi de pouvoir charger davantage la remorque et le grincement (qui provenait finalement des tiges filetées) est supprimé.
mardi 14 octobre 2008
Gloire aux vaincus
Au fil des tours, la terrible côte de Domancy commence à
faire son effet. Hinault y mène une cadence infernale.
Dans sa roue, tout le monde s'accroche à l'image de
Nicolas Sarkozy et Laurence Parisot.
"GLOIRE AUX VAINCUS"
Une fable des temps modernes
En ces temps troublés, nous vous invitons tou-te-s à
enfourcher votre bicyclette pour participer à cette
première course sauvage automnale.
Rendez-vous le samedi 25 octobre, à 15 heures,
devant les Assedic de Verneau au 25 rue Général Lizé.
Venez bien sûr avec votre vélo, un stylo, un antivol et
votre bonne humeur. Prenez aussi vos responsabilités !
mardi 30 septembre 2008
La citation du mois
"La vitesse généralisée d'un mode de transport tient compte de la quantité de travail nécessaire à celui qui s'en sert pour acquérir le moyen d'être transporté; pour l'obtenir, il faut diviser le kilométrage annuel effectué par ce mode, par le temps passé en un an dans ce mode de transport et à l'extérieur, par exemple à gagner de quoi le payer; Jean-Pierre Dupuy a calculé que, pour toutes les classes de revenus « moyennes » - de salarié agricole à cadre supérieur, à l'exclusion des millionnaires-, la vitesse généralisée de la bicyclette est égale ou supérieure à celle de l'automobile ; seuls les très riches gagnent vraiment du temps en auto. Les autres ne font qu'effectuer des transferts entre temps de travail et temps de transport."
(source JEAN ROBERT, Le temps qu'on nous vole, Paris, Seuil, 1980, p. 64 - L'encyclopédie de l'Agora)
lundi 29 septembre 2008
Le vélo, l'anti-stress pour traitement local
s'expose à un facteur important de pleine satisfaction.
gauche pour des raisons de sécurité, si celle-ci est obturée,
aucune contre-indication n'empêchera d'user de la droite.
de deux ans jusqu'à fin des travaux et arrivée du tramway.
Effets secondaires pour le cycliste urbain: possibles crises d'euphories.
se manifester par d’aussi récurrents que ridicules coups de klaxons.
mardi 9 septembre 2008
A vélo à l'Amap
S'aventurer à vélo dans ces zones commerciales, souvent excentrées et toujours aménagées en fonction des besoins des seuls automobilistes, relève autant du non sens que du sport extrème. Parvenu à atteindre l'entrée du complexe sans se faire écraser, ayant résolu le casse-tête du parquage de son véhicule, le cycliste urbain se demande ensuite rapidement ce qu'il a à gagner à passer une heure ou davantage dans un dédale de rayons d'où il ne pourra guère ramener que l'équivalent d'un panier ou deux, mais certainement pas le contenu de tout un caddie.
Bref, par souci de praticité, d'art de vivre, mais aussi pour leur santé mentale, nombre de cyclistes urbains optent davantage pour les commerces de proximité.
En matiére de transport et d'alimentation, les marges de manoeuvres restent à la main de chacun et les utiliser à bon escient pourrait permettre, sait-on jamais, d'impulser une évolution positive.
Partout dans le monde, de plus en plus de gens cherchent à se nourir autrement - se libérer du racket des intermédiaires/transformateurs/empoisonneurs tout en défendant une agriculture humaine. Un pont jeté entre producteurs heureux de son activité et personne ayant besoin de s'alimenter et plaisir à le faire, entre milieu rural et milieu urbain. Une manière de restaurer, autant symboliquement qu'en pratique, l'interconnexion, la symbiose nécessaire entre toute forme de vie et ce qui produit les moyens de sa subsistance.
Soucieux de sortir de sa posture passive du consommateur, le cycliste lassé des grandes surfaces croise, à un moment où à un autre, une Association pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP). L'acronyme désigne, en France, un partenariat de proximité "à ma portée" entre un groupe de consommateurs et une ferme locale, basé sur un système de distribution de « paniers » composés des produits de la ferme.
Voici une liste non exaustive d'Amap dans le maine et Loire, dont une,"L'Aneth" qui distribue ses paniers à la MPT de Monplaisir, 3 rue de l'Ecriture, à Angers (contact : amaplaneth@gmail.com)
dimanche 7 septembre 2008
Dynamique de groupe
La première demi-heure est toujours l'occasion de serrer quelques mains, de se retrouver, de se demander comment la vie a été, pour chacun de son côté... y'a pas à dire, les coïncidences, ça crée des liens. Les moins ponctuels arrivent au compte-goutte, renforçant in extremis les effectifs, et puis ça y est, il est 15 heures 30, heure habituelle du départ. Pas d'itinéraire prévu. Un esprit plus enclin à prendre l'initiative monte en selle. Il lance un "Allez, on y va", rapidement relayé - "C'est parti", "à l'assaut", "Go", et c'est une véritable marée à roues qui s'ébroue, s'élance, se répand. Jusqu'à ce que finalement la masse cycliste prenne possession de la chaussée en y imposant sa présence physique incontestable.
Certains, soucieux de rendre plus explicite la visibilité de notre réunion, recourent à l'image, avec efficacité, il faut bien dire.
Chacun peut ainsi user de son vélo à sa guise, à son rythme, en toute sécurité dans une ambiance conviviale qui tient plus du "joyeux bordel" que de l'embouteillage des heures de pointe.
C'est là le trait le plus séduisant de la vélorution. Chacun d'entre nous se souvient combien il a été frappé, la première fois, de constater à quel point il était plaisant et reposant de pouvoir évoluer en ville, sur son vélo, sans avoir à craindre le trafic automobile. Combien il était imprévisible d'y trouver un tel plaisir. Les jours de retrouvailles, le rapport de force avec la masse automobile est temporairement inversé. C'est comme si elle n'existait pas, et nous, les cyclistes, pouvons ainsi jouir de la rue sans inquiétude. Le plaisir de la mobilité atteint ainsi une rare pureté.
Cette même remarque revient, inlassablement, au fil des coïncidences, chaque fois dans la bouche de nouveaux participants, surpris, qui ne s'étaient pas imaginé qu'il pourrait être si agréable de se balader en centre ville, à vélo, tout simplement. Comme toutes les connaissances, celle-ci, une fois acquise, demeurera indélébile. Nous ne le savions pas auparavant, mais nous ne l'oublierons jamais, la ville à vélo, c'est vraiment agréable !
Voilà ce qui rend le succès de la vélorution inéluctable (bon, ça et la fin du pétrole, c'est vrai).
Le temps passe insensiblement, les cyclistes urbains se saluent les uns après les autres alors que la "masse cycliste" se disloque peu à peu. Certains poursuivront l'anniversaire jusque tard dans la nuit.
Post scriptum : S'il y avait eu une petite fête dans la foulée, probable qu'une grande partie des participants s'y serait retrouvée...
Pour les cinq ans, y'aurait peut être quelque chose du genre à goupiller, une couche de plus de coïncidence à ajouter pour y remédier, genre sound system inopiné...
samedi 6 septembre 2008
Sauver la planète à vélo… pour le bénéfice de qui ?
La prise de conscience écologique est indispensable pour adoucir le désastre écologique en cours. Dans cette croisade, quelle valeur nous sert de boussole ?
Sommes-nous mus par le seul instinct de conservation, par essence égocentrique, ou nous plaçons-nous au contraire sous la bannière de valeurs plus ambitieuses ? S’agit-il de préserver la plus grande part de notre confort ou au contraire de permettre à l’humanité, dans son ensemble, de perdurer ?
Moins dépendants de l’automobile, nous permettrons peut-être à des politiques différentes de celles déployées depuis 50 ans de voir le jour. Mais cela suffira-t-il ?
L’humanité est confrontée à une crise alimentaire sans précédent. Beaucoup le savent, mais ne peuvent que supposer la part de responsabilité qui est celle de l’occident dans cette situation. Peu de médias s’attardent à expliciter les mécanismes à l’œuvre.
Dans l’article dont je vous propose la lecture, Georges Monbiot montre que nos assiettes ne sont pas innocentes. Certe, notre culpabilité n’est qu’indirecte, tant nos grands décideurs se dispensent souvent de rendre compréhensibles les décisions prises en notre nom. Je ne suis pas un chantre de la responsabilité individuelle, mais peut-être la modification de nos pratiques quotidiennes, sans attendre qu’elles nous soient dictées par en haut, pourra-t-elle nous libérer un jour de l’hypocrisie représentative actuelle et nous permettre d'imposer des conceptions politiques plus... comment dire... humaines.
Famine manufacturée
Une nouvelle vague de colonialisme alimentaire retire la nourriture de la bouche des pauvres
traduction O²
Dans son livre « les holocaustes de la fin de l’ère victorienne », Mike Davis nous narre l’histoire des famines qui frappèrent l’Inde dans les années 1870. La faim commença lorsqu’une sécheresse, causée par El Nino, tua les plans du plateau du Deccan. Alors que la morsure de la famine se faisait sentir, le Vice-Roi, Lord Lytton, supervisa l’exportation vers l’Angleterre d’une quantité record de 6,4 millions d’hundredweight (environ 320 000 tonnes) de farine. Pendant que Lord Lytton menait une vie à la splendeur impériale et commandait, entre autres extravagances, « le repas le plus colossal et le plus onéreux de l’histoire mondiale », entre 12 et 29 millions de personnes moururent[1]. Seul Staline fabriqua la faim à une aussi vaste échelle.
Aujourd'hui un nouveau Lord Lytton s’emploie à concevoir un autre raid alimentaire brutal. Courtisan favori de Tony Blair, Peter Mandelson a souvent donné l’impression qu’il ferait n’importe quoi pour complaire à son maître. Il est aujourd'hui commissaire européen au commerce extérieur. Depuis ses somptueux bureaux de Bruxelles et Strasbourg, il espère imposer un traité qui permettra à l’Europe d’arracher la nourriture de la bouche de certaines des populations les plus pauvres d’Europe.
Quelque 70 % des protéines consommées par les Sénégalais proviennent du poisson[2]. Traditionnellement moins cher que les autres produits animaux, il subvient aux besoins d’une population qui arrive en queue de classement au titre de l’Indice de Développement Humain[3]. Un sixième de la population du Sénégal est employé par l’industrie de la pêche ; les deux tiers de ces travailleurs sont des femmes. Au cours des trois dernières décennies, leurs moyens de subsistance ont commencé à décliner au fur et à mesure que les autres nations pillaient les stocks sénégalais.
L’Union Européenne est confrontée à deux problèmes majeurs en matière de pêche. L’un, qui résulte en partie de son incapacité à manager correctement les pêcheries européennes, tient au fait que celles-ci ne peuvent plus satisfaire la demande intérieure. L’autre résulte du fait que les gouvernements européens n’entendent pas entrer en confrontation avec leurs lobbies de la pêche en démantelant les bateaux excédentaires. L’Union européenne a tenté de résoudre ces deux problèmes d’un coup en envoyant ses pêcheurs en Afrique de l’Ouest. Depuis 1979, elle entretient des accords avec le gouvernement sénégalais qui autorisent nos flottes à croiser dans ses eaux. L’écosystème marin du Sénégal a, en conséquence, commencé à évoluer de la même manière que le nôtre. Entre 1994 et 2005, le poids du poisson pris au Sénégal est tombé de 95 000 tonnes à 45 000 tonnes. Submergée par les chalutiers européens, la pêche sénégalaise périclite : le nombre de bateaux emmenés par la population locale a décru de 48 % depuis 1997.
Dans un récent rapport sur ce pillage, ActionAid montre que les familles de pêcheur qui pouvaient se permettre trois repas par jour doivent désormais se satisfaire d’un ou deux seulement. Alors que le prix du poisson augmente, leurs clients connaissent également la faim. Le même phénomène s’est produit dans tous les pays avec lesquels l’Union européenne entretient des accords en matière de pêche[4]. En échange de misérables flux d’échanges internationaux, leur source primaire de protéine a été pillée.
Conscient de la situation, le gouvernement du Sénégal a refusé en 2006 de renouveler son accord de pêche avec l’Union européenne. Mais les pêcheurs européens, essentiellement espagnols et français, n’ont pas tardé à contourner l’interdiction. Enregistrant leurs bateaux comme sénégalais, ils ont acheté des quotas aux pêcheurs du cru et transféré leurs prises en haute mer depuis les bateaux locaux. Ils peuvent ainsi continuer à capter le poisson du pays, sans être aucunement obligés de l’y commercialiser. Leurs profits sont conservés sur la glace jusqu’à ce que la prise parvienne en Europe.
Les services de Mandelson s’emploient à négocier des accords de partenariat économique avec les pays africains. Ils devaient être signés avant la fin de l’année passée, mais un grand nombre de ces derniers, Sénégal compris, s’y est refusé. Ces accords prévoient le droit pour les compagnies européennes de s’installer librement sur le sol africain et disposent qu’elles y recevront le même traitement que les entreprises locales. Cela signifie que le pays hôte ne serait pas autorisé à traiter différemment ses propres entreprises et les compagnies européennes. Le Sénégal serait ainsi empêché de s’assurer que le poisson pris sur son territoire est employé par sa propre industrie pour nourrir sa propre population. Les subterfuges employés jusqu’à présent par les chalutiers européens seraient légalisés.
La Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique a décrit les négociations européennes comme « insuffisamment inclusives ». Elles souffrent d’un « manque de transparence » et d’une capacité insuffisante des pays africains à saisir les complexités légales[5]. ActionAid montre que les services de Mandelson ont ignoré ces problèmes, accru la pression sur les pays récalcitrants et « emmené les négociations à un rythme plus élevé que ce que pouvaient assumer les pays africains ». Si ces accords sont appliqués de force à l’Afrique de l’Ouest, Lord Mandelson sera responsable d’une nouvelle famine impériale.
Il s’agit là d’un exemple du colonialisme alimentaire qui en vient une fois de plus à gouverner les relations entre les pays riches et les pays pauvres. Alors que les ressources alimentaires globales se resserrent, les riches consommateurs entrent en compétition avec les affamés. La semaine dernière, le groupe environnemental WWF a publié un rapport sur la consommation indirecte d’eau par la Grande-Bretagne du fait de l’achat de nourriture[6]. L’essentiel du riz et du coton que nous achetons provient, par exemple, de la vallée del’Indus, terroir regroupant l’essentiel des meilleurs terres agricoles du Pakistan. Pour satisfaire la demande extérieure, les bassins aquifères de la vallée sont pompés plus vite qu’ils ne peuvent se régénérer. Dans le même temps, la pluie et la neige décroît dans l’Himalaya, probablement du fait du changement climatique. Par endroit, le sel et d’autres poisons pour les cultures se diffusent dans des cours d’eau affaiblis, rendant l’agriculture impossible pour longtemps. Les céréales que nous achetons sont, pour la plupart, librement commercialisées, mais leurs coûts masqués sont intégralement assumés par le Pakistan.
Maintenant nous apprenons que les pays du Moyen-Orient, Arabie Saoudite en tête, sécurisent leurs approvisionnements futurs en nourriture en essayant d’acheter des terres dans les pays les plus pauvres. Le Financial Times rapporte que l’Arabie Saoudite entend mettre sur pied une série de fermes à l’étranger, chacune d’entre elles installées sur des superficies pouvant dépasser 100 000 hectares. Leur production ne serait pas commercialisée mais envoyée directement à leurs propriétaires. Le Financial Times, généralement favorable à la vente, quelle qu’en soit l’objet, agite le « scénario cauchemardesque de céréales expédiées depuis des fermes fortifiées sous le regard des affamés locaux. » L’article indique qu’au moyen « d’accords bilatéraux confidentiels, les investisseurs espèrent être en mesure de contourner toute restriction commerciale que les pays hôtes pourraient imposer en cas de crise. »[7]
L’Ethiopie et le Soudan ont tous deux offert aux pays du pétrole des dizaines de milliers d’hectares[8]. Rien de plus simple pour les gouvernements corrompus de ces pays : en Ethiopie l’Etat considère posséder l’essentiel de la terre ; au Soudan, une enveloppe glissée sur le bon bureau transforme comme par magie la propriété d’autrui en échanges commerciaux internationaux[9]. Pourtant 5,6 millions de Soudanais et 10 millions d’Ethiopiens auraient actuellement besoin de l’aide alimentaire. Les accords proposés par leur gouvernement pourront seulement renforcer ces famines.
Rien ici n’entend suggérer que les pays pauvres ne devraient pas vendre de nourriture aux riches. Pour échapper à la famine, les pays doivent renforcer leur pouvoir d’achat. Ce qui signifie souvent vendre leur production agricole et en accroître la valeur en la transformant sur place. Mais les accords que je viens de décrire n’ont rien d’équitable. Là où ils utilisèrent par le passé la canonnière et le Cipaye[10], les pays riches recourent aujourd’hui au chéquier et aux hommes de loi pour s’approprier la nourriture de ceux qui ont faim. La bataille pour les ressources a commencé, mais – à court terme en tout cas – nous en aurons à peine conscience. Les gouvernements du monde riche se mettront à l’abri du coût politique des pénuries, quand bien même cela signifierait que d’autres populations doivent mourir de faim.
[1] Mike Davis, 2001. Late Victorian Holocausts: El Nino Famines and the Making of the
[2] ActionAid,
[3] Indice composite (santé, éducation et niveau de vie) entendant évaluer le bien être des populations (ndt).
[4] Vlad M. Kaczynski and David L. Fluharty, March 2002. European policies in
doi:10.1016/S0308-597X(01)00039-2
Tim Judah, 1st August 2001. The battle for
[5] UNECA, EPA Negotiations: African Countries Continental Review, African Trade Policy Centre, February 2007. Quoted by ActionAid, ibid.
[6] Ashok Chapagain and Stuart Orr, August 2008.
and fibre consumption on global water resources. Volume one. http://assets.panda.org/downloads/wwf_uk_footprint.pdf
[7] Javier Blas and Andrew England,
[8] Barney Jopson and Andrew England,
[9] For discussions of how landrights in
Lorenzo Cotula, September 2007. Legal empowerment for local resource control. International Institute for Environment and Development. http://www.iied.org/pubs/pdfs/12542IIED.pdf
Camilla Toulmin, 2006. Securing Land and Property Rights in
Investment Climate. Chapter 2.3 of the Global Competitiveness Report, World Economic
[10] Soldat auxiliaire indigène (ndt)
Notes perso :
Ah ben c'est pour ça qu'ils préfèrent venir jouer les clandestins chez nous, alors...
Oui oui, tout s'explique. Je me demandais souvent pourquoi certains de mes compatriotes s'étonnent que les immigrés clandestins risquent leur vie à venir chez nous où on les accueille à grand coup de matraque alors qu'ils étaient si bien, chez eux. C'est qu'ils se trompent, ces bons français, voilà. En fait, là bas, nos immigrés, ils crèvent de faim, tout simplement.
Le monde meurt de faim et pédaler ne suffit pas : go vegan !
L'agrofuel n'est pas le seul à accaparer des terres autrefois utilisées pour l'alimentation humaine.
Chaque calorie animale consommée en aura nécessité sept d'origine végétale pour être produite.
Réduire sa consommation de viande jusqu'à remettre en question la place trop importante que celle-ci occupe dans notre régime alimentaire, c'est objectivement favoriser la possibilité qu'advienne un jour un modèle agricole plus équitable. La terre ne peut supporter autant de voitures que d'individus, elle ne peut pas davantage produire de viande pour plus de six milliards de carnivores.